Le cas de la France 🇫🇷, eu égard aux offres de services pour proches aidants, est intéressant pour plusieurs raisons.

Premièrement, à partir du début des années 2000, le pays a élaboré d’importantes politiques en matière de conciliation de la vie familiale et professionnelle.

Deuxièmement, la France est un territoire faisant face à des défis associés au vieillissement de sa population ainsi qu’à l’accessibilité aux soins et aux services sociaux sur l’ensemble de son territoire

La tradition d’initiatives sociales à l’échelle départementale est un autre aspect important en France.

Cette tradition a un fort impact sur la structuration des initiatives et sur le rôle des différents acteurs impliqués. Ces caractéristiques spatiales peuvent affecter les expériences et pratiques des proches aidants, et auraient également des conséquences spécifiques sur la dispensation des services par les intervenants ainsi que sur leur utilisation par les aidants.

Dans le contexte du virage des années 2000-2010 vers les soins ambulatoires en France, comme dans d’autres pays, nous constatons une tendance générale à prioriser l’environnement social de la personne âgée comme le meilleur endroit pour demeurer et pour recevoir des soins. Cette « stratégie » impose toutefois une lourde responsabilité aux membres de la famille, en particulier aux femmes, et présente plusieurs limites.

Les Français bénéficiaires d’aides reçoivent souvent leur appui de sources informelles et de membres de leur famille. Il en ressort que les bénéficiaires d’aide ont moins recours aux services privés ou publics lorsqu’un aidant familial est présent.

Dans cette perspective, une
reconnaissance progressive de la situation des proches aidants est apparue dans les politiques publiques et les programmes gouvernementaux. L’innovation sociale par le biais d’initiatives locales peut en fait devenir décisive dans les secteurs public, privé et associatif. Les initiatives socialement innovantes peuvent devenir des solutions aux effets pervers (changements démographiques, inégalités sociales, exclusion et marginalisation territoriale, etc.) de la transformation socioéconomique ayant affecté les sociétés contemporaines. Elles peuvent enfin répondre au besoin de redéfinition du rôle des trois principaux acteurs de la régulation sociale : l’État, le marché et la société civile – y compris la famille.

La mobilisation locales à l’aide de différents outils, tels que l’économie sociale, les associations ou les interventions participatives, fournit un cadre pour la reconstruction des liens sociaux. Cependant, cela soulève la question des limites de la capacité des départements à influencer totalement les décisions qui les concernent, ainsi que la gouvernance quotidienne et la durabilité des innovations sociales produites localement. En ce qui concerne plus spécifiquement le soutien aux proches aidants, la France a connu depuis 2010 une mobilisation importante autour de la question des proches aidants de personnes âgées. Cette approche a été encouragée aux échelles nationale et régionale, notamment avec le développement des plateformes de répit qui sont déclinées sur plusieurs territoires et qui sont financées par l’agence régionale de santé

Les aidants sont principalement mais pas uniquement – des femmes. De plus en plus d’hommes se retrouvent dans cette situation et semblent, au moins en partie, faire face à des défis spécifiques, surtout en ce qui concerne la reconnaissance sociale de ce rôle.

L’assistance et les soins non rémunérés prodigués à une personne proche ont fait l’objet de plusieurs études dans les domaines de la sociologie, des soins de la santé et des services sociaux. Les analyses sociales qualitatives ont mis l’accent sur les perceptions des aidants de leur propre situation et sur les tâches qu’ils doivent accomplir, tandis que la recherche quantitative a principalement examiné les facteurs de risque et les conditions générales des soins. Des recherches européennes ont également montré que l’emploi des femmes (le fait d’être à l’emploi ou non et le nombre d’heures travaillées) est négativement lié aux soins non rémunérés auprès de personnes âgées.
Les soins peuvent également devenir un défi pour les employeurs, et ce, surtout dans un contexte qui est au moins en partie caractérisé par une rareté de la main-d’œuvre.

Le contexte économique pourrait renforcer la relation entre soins et vulnérabilité. Pour certaines populations, le fait de prodiguer des soins peut également constituer un moment tournant critique dans une trajectoire personnelle et professionnelle déjà fragile. C’est particulièrement le cas pour les femmes de 45 à 65 ans, notamment celles qui se trouvent sur le marché du travail ou sur la marge de celui-ci, c’est-à-dire qui ont des emplois à temps partiel (sans forcément les choisir). Pour ces raisons, les initiatives visant à améliorer les conditions de vie des aidants sont devenues des interventions stratégiques dans le contexte socio-économique actuel.

Toutefois, le passage de projets fragmentés à un effort de mise en œuvre concerté n’est cependant pas évident et soulève encore des questions importantes. Pour s’attaquer à la fragmentation des initiatives, il est également nécessaire de développer des interventions qui traitent simultanément différents enjeux de politiques sociales pour qu’une intervention sous-tende une réorganisation égalitaire et démocratique, les services doivent d’abord prendre conscience de la forme particulière de l’aide apportée par les proches qu’ils mobilisent.

Cette aide mobilisée pourrait être associée à des droits propres à l’aidant·e proche et s’insérer dans des politiques publiques qui reconnaissent un revenu et un statut satisfaisants aux travailleur·se·s du secteur.

L’innovation sociale dans le secteur de l’aide à domicile et en matière d’aidance reste donc inachevée et insatisfaisante tant que les conditions de reconnaissance du travail des aidant·e·s proches ne seront pas posées. Par ailleurs, du point-de-vue des travailleur·se·s du secteur de l’aide à domicile, leurs statuts et rémunération ne permettent pas non plus de parler d’innovation sociale aboutie. Ces questions sont indissociables de débats en termes de politiques publiques. Dans cette perspective, il s’agit d’interroger la configuration des politiques et particulièrement le cloisonnement traditionnel entre politiques sociales et politiques d’emploi.

En effet, la structuration des services professionnels d’aide à domicile et le type d’encadrement des aidant·e·s proches dépendent des politiques sociales, alors que le statut des personnes qui travaillent dans ces services professionnels relève, quant à lui, des politiques d’emploi. Il nous apparaît clairement que ces deux leviers doivent être désormais pensés de manière simultanée.