Les soins dispensés à domicile relatifs aux personnes âgées en perte d’autonomie deviennent un enjeu crucial pour les services à domicile, conséquence d’une démographie vieillissante.

À cette réalité s’ajoute le défi important de l’attractivité des métiers du care, dans un contexte de ressources limitées, afin de répondre aux besoins de plus en plus nombreux et complexes de cette même population vieillissante.

À cet effet, le gouvernement français a annoncé récemment une démarche visant à améliorer les soins et les services à domicile. D’ailleurs, plusieurs fédérations s’entendent sur le fait qu’effectivement, l’offre de services ainsi que la distribution actuelle des soins à domicile ne sont pas optimales.

Avec l’annonce des futurs services autonomie modifiant l’organisation et la gouvernance des SAAD et des SSIAD, le gouvernement propose une véritable intégration des services en vue de favoriser et de simplifier l’accès aux soins pour la population, dont ceux aux aînés. Ainsi, cette réforme vise à améliorer la qualité et la sécurité des soins et à accroître l’efficience et l’efficacité du parcours. En ce sens, cette réorganisation doit constituer un important levier de changements et offre un contexte propice à revoir les pratiques cliniques et organisationnelles.

Le ministre des solidarités et de l’autonomie et ses collègues mènent actuellement une démarche de consultations des acteurs clés à travers le Conseil National de la Refondation (CNR), dans le but de recenser les meilleures pratiques pour permettre à la population de bien vieillir à domicile.

Nous nous sentons particulièrement interpellés par cette démarche qui vise à améliorer la sécurité et la qualité de vie de nos aînés à domicile, démarche qui cible tout particulièrement les personnes vulnérables dont la perte d’autonomie est souvent une conséquence de problèmes complexes et évolutifs de santé physique ou mentale.

Nous profitons de cette occasion pour évoquer les approches, les enjeux et les éléments clés en lien avec les bonnes pratiques organisationnelles en soutien du domicile, pour nos aidés âgés en perte d’autonomie présentant des enjeux cliniques complexes.

Globalement, nous sommes d’avis que l’admissibilité des personnes accompagnées à domicile doit être basée sur l’évaluation de leurs réels besoins et sur le plan d’intervention qui en découle, et ce, dans une organisation de services intégrée.

Les coordinateurs de parcours ou “caremanager” sont en mesure de soutenir les changements demandés en collaboration avec les autres professionnels de la santé et en partenariat avec la personne en perte d’autonomie et ses proches aidants.

Nous détaillons ci-après nos observations qui doivent permettre d’offrir de meilleurs soins et services aux aînés à domicile.

1 ] Le contexte des services à domicile pour les personnes âgées en perte d’autonomie :

Il comporte des implications autant pour la personne en perte d’autonomie que pour le système de santé dans son ensemble. La demande pour ce type de service ne cesse de croître, principalement en raison du vieillissement de la population ainsi que de la demande des soins de santé associée aux maladies chroniques. Il est reconnu que le vieillissement est généralement associé à une augmentation du risque de maladies chroniques et des incapacités. Les soins et les services à domicile demeurent une solution avantageuse, car tout en répondant à la volonté des aînés de demeurer chez eux, ils permettent de diminuer les coûts engendrés par une utilisation non nécessaire des ressources plus coûteuses comme l’hospitalisation ou l’institutionnalisation.

Les meilleures pratiques en soutien du domicile doivent cibler l’affectation des ressources et des services vers les lieux où résident les personnes, tout en mettant l’accent sur les plus vulnérables aux prises avec des problématiques de santé à long terme, ayant des besoins complexes et dont le fardeau de la maladie crée une pression constante sur le système de santé. Cet objectif est légitime et répond aux besoins ainsi qu’à la volonté des personnes en perte d’autonomie de demeurer le plus longtemps possible à la maison.

Les gouvernements qui se sont succédés ont consacré des efforts et des financements importants pour favoriser le maintien à domicile. Par contre, des préoccupations importantes demeurent concernant l’accès aux soins, autant pour la personne en perte d’autonomie que pour ses proches aidants. De plus, un fait demeure immuable : le vieillissement de la population qui s’avère un défi de taille pour les trente prochaines années.

Par ailleurs, tous s’entendent pour dire que la promotion de la santé et la prévention de la maladie, par des actions sur les déterminants de la santé et les saines habitudes de vie, ont un impact positif sur les résultats de santé. Il est du devoir des coordonnateurs de parcours de planifier des activités de prévention de la maladie afin de maintenir une bonne qualité de vie et ainsi, de réduire l’impact des pertes liées au vieillissement et à la perte d’autonomie.

L’espérance de vie ayant augmenté, de nouvelles situations cliniques émergent et comportent des éléments complexes. Non seulement la perte d’autonomie touche les personnes sur le plan fonctionnel, mais aussi on constate une augmentation de la complexité et de la vulnérabilité, notamment en ce qui concerne les problèmes de santé mentale, de déficience intellectuelle et de démence, ainsi qu’une augmentation de la demande pour des soins palliatifs et de fin de vie à domicile. Des enjeux de taille en matière de dignité et de droits de la personne.

Conséquemment, la complexité de ces situations cliniques implique la nécessité d’offrir un panier de services variés et harmonisés, mais en même temps flexibles, et d’avoir recours à des professionnels ayant des compétences cliniques avancées, aptes à répondre aux besoins de santé spécifiques de la personne âgée en perte d’autonomie ou en fin de vie et de ses proches aidants, ou à les anticiper – l’objectif étant de prévenir situations cliniques qui nécessitent le recours aux urgences ou aux lits d’hospitalisation.

Enfin, la recherche, l’évaluation des pratiques et l’instauration d’indicateurs de suivi et de résultats, dans une perspective de soutien et de suivi à la mise en œuvre de ces pratiques, devront être élaborés.

2 ] Le parcours intégré :

Afin de répondre à la demande de services pour les personnes âgées en perte d’autonomie, il faut proposer, une véritable intégration des services afin de favoriser et simplifier leur accès à la population (dont les aînés) et ainsi, de contribuer à améliorer la qualité et la sécurité des soins, en plus d’accroître l’efficience et l’efficacité du réseau. En ce sens, cette évolution pourra constituer un important levier de changement et offre un contexte propice à revoir les pratiques cliniques et organisationnelles. Malgré une vision et une philosophie d’action claires, les mesures prises par les pouvoirs publics n’ont pas rendu possible l’atteinte des résultats escomptés. En effet, cette politique n’a pas permis de bien circonscrire l’offre de services afin d’assurer son harmonisation dans tous les territoires.
Nous sommes d’avis que, dans la foulée des travaux liés à la mise en œuvre des futurs services autonomie, l’offre de services devra être simplifiée et standardisée, de sorte que puisse être envisagée une organisation efficace du soutien à domicile, et ce, dans toutes les régions de France. Un panier de services assurés par des pôles gériatriques de proximité pourrait permettre de venir en appui des services à domicile qui peinent à recruter des ressources humaines compétentes et de conclure des partenariats avec des partenaires qui répondent aux exigences de cette offre de services. Cela permettrait à ses pôles “expert” d’élaborer des mesures de contrôle de qualité, autant de performance que de gestion des risques.
Le pôle de proximité aura besoin de moyens qui lui permettra de jouer le rôle de chef d’orchestre dans un environnement qui est actuellement très complexe. En raison des nombreux partenaires et acteurs, de même que des services offerts à domicile, à l’extérieur ou à l’intérieur de ses murs.

Le rôle de ce pôle gériatrique pourrait s’avérer d’autant plus important, car il pourrait répondre à l’offre de services défectueuse, la coordonner, gérer les risques et assurer la qualité des soins. En effet, les personnes en perte d’autonomie présentent différents profils d’incapacité et requièrent une grande gamme de services, autant pour les activités de la vie domestique, les activités de la vie quotidienne que pour les soins médicaux, infirmiers et de réadaptation. Ainsi, le nombre d’intervenants qui gravitent à domicile auprès d’une personne en perte d’autonomie et de ses proches aidants est important et nécessite une coordination efficace.

3] L’aidant un partenaire de soins :

Il doit y avoir adéquation entre les besoins de soins et de services et la capacité du réseau à donner ces services, ce qui éviterait des délais indus et les listes d’attente.
De plus, tous s’entendent pour reconnaître la contribution des proches aidants et conviennent que l’engagement de ces derniers devrait être mieux soutenu et encouragé.

Nous sommes d’avis que l’évaluation des besoins de la personne en perte d’autonomie devrait inclure systématiquement l’évaluation des besoins de ses proches aidants.
Compte tenu de tous ces éléments, l’offre de soins et services serait basée sur une situation de vie et des conditions de santé beaucoup plus précises : par conséquent, le plan de services serait nettement plus pertinent. L’évaluation de l’état de santé et des incapacités de la personne, dans toute sa complexité et sa globalité, devrait être au cœur du projet de services. Dans ce contexte, le rôle de l’infirmière de coordination est central. Elle doit être impliquée dans le processus d’évaluation des personnes âgées lorsque cette évaluation est requise. De plus, l’infirmière est bien placée pour pouvoir repérer, sur les bases de son évaluation, les personnes les plus vulnérables dont le fardeau de la maladie et les enjeux de santé complexes sont des obstacles au maintien à domicile et qui devraient bénéficier de la plus grande intensité de services et de soins. Ainsi, l’évaluation de l’infirmière permettra la mise en œuvre de services pertinents, et ce, en collaboration avec la personne âgée, les autres professionnels concernés et les proches aidants dont les besoins auront aussi été évalués à l’aide de grilles validées et disponibles. L’approche aidant partenaire est alors au cœur des préoccupations des intervenants.

Nous recommandons d’implanter un processus systématique d’évaluation des besoins des proches aidants en complément à l’évaluation de la personne en perte d’autonomie.

4] Le rôle du coordinateur de parcours :

À l’instar de l’évaluation complète et globale le coordinateur de parcours doit être reconnue comme une pratique exemplaire en soutien à domicile pour les plus vulnérable, présentant des enjeux cliniques complexes. Le coordinateur de parcours est un professionnel qui intervient auprès des personnes en perte d’autonomie, en situation de complexité et d’incapacité. Il est l’intervenant pivot responsable de la coordination des services à la personne et à ses proches aidants, ce qui élimine ainsi les interventions non concertées et la fragmentation des soins. Il est responsable de l’évaluation, de la coordination des services ; il a aussi recours à l’approche aidant partenaire.

Le modèle “caremanager”, doit devenir la pierre angulaire ou l’assise de l’organisation de l’offre de services et doit inclure la coordination de ces derniers ainsi que la contribution des professionnels impliqués. Habituellement composées d’infirmier et de travailleurs sociaux, les équipes de caremanager font souvent face à des situations complexes, autant du point de vue social que de celui des soins de santé physique ou mentale. Ainsi, ces “gestionnaires de cas” doivent avoir accès, selon les besoins et en temps opportun, aux ressources professionnelles complémentaires à leurs propres interventions.
En effet, la personne en perte d’autonomie, présente des besoins multiples et évolutifs : elle requiert une vigilance et une surveillance continues. Le coordinateur de parcours peut provenir de différentes disciplines professionnelles et ne devrait pas agir uniquement en tant que courtier de services : il devrait être en mesure d’offrir des services propres à sa discipline tout en collaborant avec d’autres professionnels.
De ce fait, une personne qui présente des problèmes de santé générant des enjeux cliniques et à risque liés à la santé physique, aux maladies chroniques, aux troubles cognitifs, aux médicaments et à des traitements invasifs, devrait être confiée à une infirmière pour la coordination de son parcours.

Les enjeux cliniques, pour le suivi à long terme au domicile, sont cruciaux. La personne se trouve habituellement dans un état de santé précaire et complexe : elle présente souvent plusieurs maladies chroniques dégénératives qui diminuent son autonomie fonctionnelle. L’état de santé physique ou mentale peut changer brusquement, ce qui nécessite des compétences de pointe sur le plan de la surveillance, activité réservée aux infirmières. Conséquemment, les infirmières deviennent de moins en moins interchangeables en raison de la spécificité que nécessite une intervention prompte correspondant au niveau de gravité ou d’urgence afin d’éviter l’hospitalisation. Ainsi, pour éviter le passage au urgence et l’utilisation des lits de soins aigus, les personnes âgées en perte d’autonomie qui présentent des enjeux cliniques complexes et qui demeurent à domicile, devraient se voir attribuer une infirmière “caremanager” et pouvoir également compter 24/7 sur des services médicaux et infirmiers intégrés à un pôle autonomie possédant une palette complète de services. En effet, le morcellement des soins et services entre les établissements, les sites, les programmes et les intervenants et entre la première et la deuxième lignes, est un obstacle majeur au maintien à domicile.

Le coordinateur de parcours assure l’intégration des services entre les différents paliers de services et d’intervenants, tout en établissant une trajectoire de soins. Ainsi, les personnes accompagnées les plus vulnérables, ayant les besoins de santé et les enjeux cliniques les plus complexes et qui représentent le plus grand fardeau pour le système, seraient sous les soins d’un infirmier caremanager selon les principes suivants :

 Définir un plan de soins personnalisé basé sur les réels besoins et qui reflète les choix de l’usager
 Établir un parcours de soins intégrée pour chacun des usagers
 Offrir des soins proactifs au sein d’une équipe pluridisciplinaire dont les services sociaux et utiliser tous les niveaux de soins et de partenariat
 Dispenser des soins et des services dans l’environnement le moins spécialisé possible, dont le domicile.
 Mettre l’accent sur les usagers représentant le plus gros fardeau pour le système de santé
 Favoriser et soutenir les soins de santé primaire et la prévention pour tous les niveaux de stratification de la complexité.

5] L’accès aux services médicaux :

Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’accès aux services médicaux ainsi qu’aux autres professionnels de l’équipe interdisciplinaire est un élément crucial. Outre les professionnels des établissements avec lesquels le caremanager doit se coordonner, les médecins jouent également un rôle capital. Actuellement, l’accès au médecin de ville est difficile et ne répond pas nécessairement aux besoins les plus urgents d’une personne en perte d’autonomie ou présentant une détérioration ou une exacerbation de ses symptômes, ni aux besoins de l’équipe interdisciplinaire qui s’en occupe. Peu de médecins offrent des soins à domicile ou sont disponibles en temps opportun, et ce, malgré le vieillissement de la population qui exige un soutien plus intensif et performant avec une accessibilité à ces services médicaux. L’infirmière en pratique avancées pourrait aussi être mise à contribution. En effet, sa formation et son champ d’exercice, en collaboration avec un médecin de ville, lui permettent d’assurer le suivi des personnes en perte d’autonomie. Elle propose aussi une réflexion critique sur des situations de soins parfois complexes et participe à la prise de décisions cliniques. L’IPA possède également les habiletés nécessaires au développement de la collaboration interprofessionnelle essentielle à l’amélioration de l’accessibilité, de la continuité et de la qualité des services de première ligne, y compris les soins à domicile.
L’IPA procède à une évaluation exhaustive de la condition de santé de la personne âgée. Elle utilise une approche de promotion de la santé et de prévention de la maladie afin de maintenir l’autonomie fonctionnelle et de fournir un accès rapide à des traitements pour des problèmes de santé courants et pour le suivi des maladies chroniques. Elle contrôle les symptômes afin d’éviter une détérioration de l’état de santé du patient et une hospitalisation éventuelle. En dernier lieu, elle prodigue des soins palliatifs et des soins de fin de vie.

Conclusion :

C est l’occasion d’effectuer les virages requis pour répondre aux besoins des personnes en perte d’autonomie. Avec les changements apportés, ces dernières pourront mieux choisir leur milieu de vie, notamment celui de leur domicile. Cette proposition exigera des changements majeurs au niveau législatif concernant nos modes et nos structures de soins.