Le nombre d’aidants en France s’élève environ à 9,3 millions, et ces personnes permettent à l’État d’économiser plus de 11 milliards d’euros chaque année en frais de santé.

Toutefois, il est regrettable que les dispositifs d’accompagnement des aidants ne bénéficient pas suffisamment de financement. Malgré les progrès notables réalisés au cours des cinq dernières années, la France est encore en retard en termes de sensibilisation et de mesures de soutien public en faveur des aidants.

Il est indéniablement crucial de soulager le fardeau financier qui pèse sur un grand nombre d’aidants, qu’ils soient présents ou non sur le marché du travail, quelle que soit la raison de leur engagement. Les proches aidants jouent un rôle crucial dans le maintien de la qualité de vie des personnes en situation de dépendance, en fournissant des soins, de l’assistance et du soutien émotionnel.

Cependant, leur travail est souvent invisible et non rémunéré, ce qui peut les plonger dans des situations financières difficiles et les mettre en difficulté au travail. En effet, beaucoup d’aidants sont contraints de réduire leur temps de travail ou d’arrêter complètement, ce qui peut affecter leur santé physique et mentale. Les proches aidants ont besoin d’une reconnaissance et d’un soutien approprié pour pouvoir continuer à remplir leur rôle avec dignité et efficacité.

Ainsi, nous proposons les préconisations suivantes pour améliorer leur situation :

• Fournir de l’aide financière
• Fournir de l’aide juridique et l’accès à des conseils financiers
• Reconnaître les coûts de la prestation de soins par les proches
• Améliorer et promouvoir la sécurité (l’égalité) économique des proches aidants non rémunérés.
• Offrir du soutien en matière d’emploi
• Prévoir un revenu de remplacement
• Inciter les employeurs et les syndicats à travailler en partenariat pour bonifier les dispositions relatives aux congés et mettre en place des conditions de travail souples pour les proches aidants
• Évaluation des besoins du proche aidant :
1. Veiller à ce que les plans de soins aux bénéficiaires incluent une évaluation des besoins du proche aidant
2. Travailler avec les élus au niveau départemental afin d’assurer que l’évaluation des besoins des proches aidants soit un élément clé du noyau des services de soutien à domicile
3. Considérer les proches aidants comme des patients dont on évalue les besoins et à qui on donne les moyens d’offrir des soins satisfaisants à leurs êtres chers
• Accès à la formation et à l’éducation :
1. Offrir de l’information et de l’éducation [aux proches aidants] 2. Offrir de la formation aux aidants professionnels :
• Élaborer des stratégies axées sur les aidants
• Investir dans le déploiement de nouveaux services pour les bénéficiaires de soins
• Offrir un panel complet de mesures de soutien aux aidants
• Offrir du soutien psychosocial
• Améliorer les services sociaux et de santé pour les bénéficiaires et les aidants
• Offrir du soutien aux familles (et pas seulement à l’aidant principal)
• Appuyer la création de réseaux et de partenariats Répit :
• Créer des politiques relatives au répit offrant choix et flexibilité
• Offrir aux proches aidants l’accès à un éventail intégré de services coordonnés, en fonction des besoins définis par les aidants, en vue de prendre une pause, un temps d’arrêt ou être dégagés temporairement de la responsabilité des soins
• Élargir l’admissibilité aux programmes de répit
• Élargir l’admissibilité aux services de répit au-delà du principal proche aidant, pour inclure d’autres aidants clés identifiés par le bénéficiaire des soins
• Faire plus de recherche sur les coûts et les apports de la prestation de soins par les proches
• Reconnaître la valeur de la prestation non rémunérée des soins et veiller à ce que l’aidant ne soit pas victime d’inégalités socioéconomiques parce qu’il assume ce rôle important;
• Promouvoir un cadre stratégique qui intègre les proches aidants à un processus visant à définir dans trois grands domaines – soins et soutien domicile, finances et milieu de travail
– des politiques favorables aux proches aidants et respectueuses de la diversité des aidants et groupes d’aidants

L’expérience internationale :

Les proches aidants sont des partenaires plus importants que jamais dans la prestation de soins, vu le vieillissement des populations, le virage ambulatoire, l’évolution des structures familiales et l’insuffisance des budgets de la santé en regard de la demande présente et future.

Malgré les différences d’un pays à l’autre sur le plan de l’infrastructure et des politiques, on note partout le besoin de reconnaître les proches aidants et de les soutenir. La France est plus lente que d’autres pays à reconnaître les proches aidants et à adopter des lois et des mesures de compensation financière pour les soutenir. Il est utile de passer en revue les réussites de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni en ce qui a trait aux stratégies et à la législation favorables aux aidants.

Australie : Carers Australia est l’appareil national regroupant les associations d’aidants des huit États et territoires qui font du travail de plaidoyer au nom des 2,6 millions d’aidants australiens, en plus de leur offrir tout un panel de services et de mesures de soutien. À titre d’appareil national, Carers Australia reçoit des fonds gouvernementaux pour divers services – le ministère de la Santé et du Vieillissement finance le programme national de counselling pour les aidants; le ministère de la Famille, des Services communautaires et des Affaires autochtones finance le programme pour les jeunes aidants. Cela fait dix ans que le gouvernement australien applique des politiques relatives aux aidants. Le soutien financier prend la forme de compensation directe, en plus d’un programme de soutien à domicile et de répit. En Australie, plus de quatre-vingts centres de répit (Commonwealth Carer Respite Centres) offrent aux aidants information et conseils sur les services offerts, les aident à organiser des périodes de répit planifiées ou d’urgence et offrent une aide financière pour le répit à court terme ou en cas d’urgence. Le parlement fédéral a adopté à l’unanimité en octobre 2006 une motion appelant tous les paliers du gouvernement, le milieu des affaires et le milieu scolaire à envisager l’adoption de pratiques de travail et de pratiques d’apprentissage favorables aux aidants. Carers Australia compte plus de trente publications et propositions à son actif. Les recommandations couvrent tous les aidants en Australie, même si certaines portent sur des besoins particuliers, dont ceux des aidants défavorisés sur le plan social ou économique. Quoique non chiffrées, les recommandations s’appuient sur des recherches solides et démontrent sans équivoque que l’État doit soutenir davantage les aidants et améliorer leur qualité de vie.

Nouvelle-Zélande : Il y a plusieurs années, Carers New Zealand a entrepris de former l’Alliance des aidants de Nouvelle-Zélande (New Zealand Carers Alliance) qui représente près d’une quarantaine d’organismes non gouvernementaux appuyant les 500 000 proches aidants de tout le pays. Le secrétariat de l’Alliance loge dans les bureaux de Carers New Zealand. En réponse à l’appel lancé par l’Alliance en 2004, le gouvernement a annoncé l’élaboration d’une stratégie nationale pour les aidants, afin de reconnaître leur apport et leur donner plus de soutien. La stratégie établie l’orientation stratégique sur dix ans des politiques et services relatifs aux aidants, en commençant par un plan d’action quinquennal. L’Alliance des aidants forme un partenariat avec l’État pour élaborer le document de consultation; déléguer deux représentants au groupe directeur sur l’élaboration des stratégies; mener un processus de consultation publique sur une base contractuelle (par l’entremise de Carers NZ); analyser les propositions; et aider à l’élaboration de la stratégie et du plan d’action quinquennal. En septembre 2006, l’Alliance des aidants de Nouvelle-Zélande a publié Family Carers: A Review of New Zealand Legislation and Related Strategies, où elle passe systématiquement en revue l’ensemble de la législation nationale – santé et sécurité sociale, logement, emploi, information, règlements relatifs aux personnes et à la propriété, jeunes aidants et indemnisation en cas d’accident. Le document aborde certaines lois capitales : la Loi sur les droits de la personne (1993), qui accorde aux aidants certains droits juridiques, et la Loi sur la sécurité sociale (1964), qui inclut certains avantages pour les aidants. Au cours de l’élaboration de la stratégie relative aux aidants, cette étude est une ressource précieuse pour comprendre les droits dont disposent les proches aidants.

Royaume-Uni : En 1988, Carers UK a réussi à intégrer pour la première fois une question sur les responsabilités d’aidants dans le recensement national sur les ménages. Les résultats ont révélé qu’il y avait 6 millions d’aidants au Royaume-Uni, soit un habitant sur sept. Cette statistique a permis à Carers UK de calculer – et faire valoir de manière efficace – les économies réalisées par le système de santé grâce à l’apport des proches aidants, ce qui a mené à la reconnaissance officielle du besoin de les soutenir. La stratégie nationale pour les aidants est en place depuis 1999, et il y a trois lois fédérales s’appliquant spécifiquement aux aidants : la Carers Recognition and Services Act de 1995, la Carers and Disabled Children’s Act de 2000 et la Carers Equal Opportunity Act de 2004. Les aidants ont maintenant droit à une évaluation de leurs besoins. La stratégie nationale de 1999 fait l’objet d’une mise à jour, annonçant plusieurs mesures de soutien, le New Deal for Carers. Issue d’une consultation menée à la grandeur du pays, cette mesure est l’occasion d’aborder des enjeux décisifs pour les aidants du Royaume-Uni.

En fin de compte, la reconnaissance des proches aidants est une question de justice et d’équité. Les proches aidants consacrent souvent des heures innombrables à prendre soin de leurs proches, sans rémunération et souvent sans reconnaissance. Cela peut avoir des conséquences négatives sur leur propre santé et leur bien-être, ainsi que sur leur capacité à fournir des soins de qualité à leurs proches. En reconnaissant le rôle important des proches aidants et en leur fournissant le soutien nécessaire, les gouvernements peuvent améliorer les soins de santé pour les personnes vulnérables tout en reconnaissant la contribution inestimable des proches aidants. En s’inspirant des expériences d’autres pays, la France peut également progresser dans la reconnaissance et le soutien des proches aidants, ce qui aura des effets positifs sur l’ensemble de la société.