La prise en soins des personnes malades ou en perte d’autonomie est un sujet important, qui met en lumière le rôle crucial des proches aidants. Ces derniers ont pour mission de prendre soin des “patients” avec une attention particulière, sans nécessairement chercher à les guérir. En effet, le but premier de la médecine est la guérison, mais d’autres critères économique sont également pris en compte…

Cependant, ne pas réussir à guérir est considéré comme un échec, remettant en question les capacités de la médecine, le pouvoir de l’industrie pharmaceutique et de ses molécules. Le budget de la santé étant très élevé, il est important que les contribuables sachent à quoi servent les sommes astronomiques investies dans ce domaine, en sachant que la guérison des patients ne peut être garantie à 100%.

Dans un système médical qui valorise la performance économique, le soin qui ne guérit pas est souvent considéré comme sans valeur. Ce type de soin est prodigué aux personnes âgées, aux personnes handicapées ainsi qu’aux malades chroniques. Cependant, ce type de soin est en réalité très noble et humain. Il se distingue du soin technocratique, car il est artisanal, modeste, répété et attentionné. Il peut être effectué sans artifice et souvent sans satisfaction de réussite, et comprend des gestes tels que parler, réconforter, masser, frictionner, soulager, laver, essuyer, nourrir, habiller et consoler.

Ces gestes sont difficiles à décrire dans un protocole de soin technicisé, car ils sont basés sur la relation humaine, l’intuition et la sensibilité envers les autres. Malheureusement, ces formes de soin sont souvent reléguées en bas de la hiérarchie implicite de soin, avec une légère condescendance.

L’invisibilité du proche aidant est le secret le mieux gardé de notre système de santé. Sans le proche aidant, ce système ne pourrait tout simplement pas fonctionner. Pourtant, aucun des soins dispensés par l’aidant n’est reconnu, salué ou rétribué. Chaque année, les proches aidants dispensent gratuitement des soins qui, autrement, coûteraient des milliards d’euros à la collectivité. Grâce à lui, ces soins non rétribués permettent à notre système de santé d’économiser des millions en frais d’hospitalisation et de soins de longue durée, en établissement comme à domicile.

Guérir est un long processus, un processus incertain et coûteux, aussi bien pour celui qui souffre que pour celui qui accompagne. Réduire le soin à la guérison ou faire de la guérison le seul horizon valable de la médecine, c’est passer à côté de ce qui fait l’humanité du soin. Le manque d’humanité, n’est-ce pas ce qu’on reproche souvent à la médecine comme à notre système de santé ? Le reproche est justifié, mais nous pourrions aussi nous l’adresser, et ce faisant, nous offrir un petit examen de conscience collective.