La France compte près de 11 millions d’aidants.

Cette réalité possède encore sa part d’ombre entre maltraitance et épuisement, mais est aussi plus vaste que l’image qu’on s’en fait, car toute personne offrant un soutien significatif à une personne vivant avec une incapacité peut se considérer comme un proche aidant.

Famille, ami et même voisin : c’est qu’il n’y a pas qu’une situation et une sorte de proche aidant. Tout le monde reçoit un peu de soutien, mais il n’y a pas de vision globale. Et si on s’y intéresse, ce n’est pas juste pour offrir un soutien financier ou du répit : il y a aussi la nécessité de prendre en compte la santé physique et psychologique de cette indispensable ressource, composée en majorité de femmes.

Le visage des proches aidants change et de nouveaux aspects émergent : la maltraitance. La maltraitance des aînés est connue, mais moins celle qui touche les proches aidants. Ils sont souvent perçus comme ceux qui maltraitent, moins comme victimes, alors qu’ils vivent eux aussi de l’agressivité et des abus de la part des aînés avec des problèmes cognitifs. Ou de la violence conjugale.

Les formes de maltraitance de l’aidant peuvent être répertoriées en 4 catégories  :

– celle commise par le truchement des intervenants à domicile, de leurs structures et de leurs normes inadaptées ;

– celle de l’entourage et de la famille, avec leurs critiques et leur culpabilisation ;

– celle des aidés dont la maladie et les comportements agressifs blessent ;

– celle de l’aidant lui-même quand il ne respecte pas ses besoins de sommeil ou qu’il repousse l’aide qu’on lui propose.

La solution passe alors par la prévention et la sensibilisation auprès des aidants, ainsi que par la promotion de la bientraitance à tous les niveaux, du premier cercle jusqu’aux institutions.

On pointe souvent l’entourage pas assez soutenant, mais la personne peut aussi en être la source quand elle oublie ses limites, ne prend pas soin d’elle par exemple, en négligeant ses propres visites chez le médecin ou en repoussant toute forme d’aide.

Une analogie avec la course à pied illustre bien le cheminement des proches aidants. Pour certains, ce parcours ressemble à un sprint intense ; pour d’autres, c’est un marathon ou une course à obstacles. L’important est de partir bien préparé, même si on ignore souvent à quoi va ressembler cette course.

Une route de solitude

Au sein des familles, le partage des tâches se déroule souvent bien. Par contre, avec l’éloignement des enfants et l’éclatement des familles, il incombera souvent à une seule personne de prendre en charge le malade ou l’aîné.

Un processus graduel d’isolement s’installe alors. Le réseau social s’effrite et la famille est loin, sans compter que certaines personnes ont toujours été isolées ou possèdent un très petit réseau. Avec la personne malade, les déplacements s’avèrent limités et les aidantes ont souvent le sentiment d’être emprisonnées dans la maison.

Il n’y a pas qu’une situation et une sorte de proche aidant. Tout le monde reçoit un peu de soutien, mais il n’y a pas de vision globale.

Plus que les problèmes d’accès aux services et à l’information, les demandes ciblent la mauvaise qualité des services et de leur logistique. Quand cela occasionne trop de stress et trop d’embûches, les aidantes s’en passeront et le feront elles-mêmes.

De nombreux blocages psychologiques qui poussent les aidantes à prendre en charge seule le malade afin de le protéger et de conserver la même routine de soins, mais aussi de préserver l’image sociale. Demander de l’aide, c’est encore perçu comme quelque chose de honteux.

Contrairement aux soins palliatifs, faits par du personnel de santé, ce rôle très intime d’aide peut durer une dizaine d’années, avec une situation qui se dégrade drastiquement vers la fin quand la maladie avance. Et au fil du temps, l’épuisement et le désespoir s’installent à demeure.

Cela prend donc une politique pour soutenir les proches aidants, avec des mesures et un budget, et une reconnaissance du statut de proche aidant.

D’où l’idée d’un guichet unique qui tiendrait compte d’une combinaison d’interventions pour répondre à tous les besoins : financier, émotionnel, des proches aidants. Et à travers eux, aider aux mieux les personnes malades et vieillissantes.